Exercice
sur l’Ellipse :
à partir d'un
récit minimal en trois temps, l'auteur doit raconter une histoire,
en faisant l'élision de l'un de ces trois temps. Le récit
ci-dessous « Mais que fait la police ? » par Mitia
Pierretti fait l'ellipse du milieu de l'histoire. Nous pouvons donc
suivre le début et la fin de l'histoire, tout en recoupant par
l'imaginaire et les éléments du récit le milieu.
Récit
minimal :
- Paul est accusé par une voisine d’avoir jeté un cendrier dans la cour.
- La police enquêtant, arrête un sans papier dans l’immeuble.
- Paul qui se souvient d’avoir fait tomber le cendrier, est invité à dîner chez sa voisine.
Mais que
fait la police ?
Par Mitia
Pierretti
1.
Comme tous les
matins, Paul ouvre la fenêtre de sa chambre jaune et arrose son
jasmin. Dans la cour une blonde le regarde fixement : « Vous
avez vu ? » balbutie-t-elle. « Non, je n’ai
pas encore mis mes lunettes. » lui répond Paul d’un ton
pressé. Il a un rendez-vous à 10 h avec Mme Lacombe au Greta, rue
Orfila. 9h30 et 10 secondes prévient le journaliste poli d’Europe
1. La voisine semble bien jolie dans sa chemise de nuit légère,
mais il n’a vraiment pas le temps de sauver une blonde, si jolie
soit-elle. Intrigué pourtant, il s’approche de la fenêtre. Elle
est toujours là, appareil photo en main, mitraillant la cour. Elle
lui lance : « Je vous ai vu ! …Vous avez mis
vos lunettes ? »
Paul, aussi
troublé qu’agacé, prend brusquement ses lunettes sur sa table de
nuit tapissée de post-it. Dans la cour la svelte voisine court-vêtue
scrute encore son balcon et cette fois, avec méchanceté,
semble-t-il s’apercevoir.
- Et
bien quoi ? Je vois un cendrier brisé ?
- Oui…je sais
d’où il vient…Je vous ai vu !
Paul réfléchit.
Il n’a pourtant pas entendu de bruit ce matin. Ah cette nuit…peut
être avait-il laissé le cendrier sur le rebord de sa fenêtre après
sa dernière clope ? De toute manière, il est pressé et ne
sait qu’offrir un rire gêné à cette situation. Excédée par
cette offense, la femme brandit son portable, menace Paul d’un
regard anthracite et compose le 17.
…
3.
La nuit déjà
se faufile rue Jean Pierre Timbaud quand Paul rentre du boulot. Sur
son paillasson l’attend digne et opaline, une bouteille de Vodka
Zubroska. Un petit mot d’une écriture arrondie
l’informe : « Pardon pour le désagrément ce
matin. Une carbonade vous attend pour accompagner ce modeste cadeau.
Tatiana, votre voisine. » Ca valait le coup d’arriver en
retard à cette fichue formation, pense Paul en se ruant chez lui. Un
coup d’œil dans la glace. Beau gosse… Il descend les escaliers
trois à trois, frappe. Elle lui ouvre, avenante et un peu plus
habillée que ce matin.
- Bonsoir,
je vous attendais. Entrez.
- Bonsoir.
Quelle surprise, merci !
Ils s’assoient
côte à côte sur le sofa vert du salon, grignotent de savoureux
amuse-gueules au caviar de chez Petroussian. « Je peux
fumer ? » demande Paul. Il allume un cigarillo.
- Ah, dit
Tatiana, vous fumez aussi des cigarillos ? Comme le jeune Sri
Lankais sans papier qu’on a arrêté ce matin !
- Quel
jeune ?
-
Vous savez, le voisin du 6ème. Certes les policiers l’ont disculpé
de l’affaire du cendrier brisé, parce que de si haut il aurait
était éclaté en plus petits morceaux. Mais ils l’ont tout de
même amené au poste pour contrôle d’identité, et après
vérification, ils ont décidé qu’il serait reconduit à la
frontière.
- Quoi ?
Reconduit ?
Paul est
assailli soudain par une image : son cendrier hier soir, tard,
laissé sur le rebord de la fenêtre…la pluie…le vent… « Mais
pourquoi reconduit ? » - Oh, dit Tatiana, trinquons sans
nous soucier plus de cette sordide histoire.
Paul
sans porter le verre à ses lèvres, sent son crâne tambouriner.
Pris de remords, il sort de chez Tatiana, claque la porte, se
barricade, ferme la porte de sa chambre, respire mal car en son for
intérieur palpite un cœur étranger.
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