samedi 28 septembre 2013

Raconte moi ton histoire, de Tisha Ivana, L1

Raconte-moi ton histoire

Dans la douceur de l’hiver
Sous un ciel éclairé
À l’abri des regards
Je raconte mon histoire.

Pour les petits et les grands
Les heureux et les malheureux
Les sourds et les muets
Je raconte mon histoire.

Le matin comme le soir
De jour comme de nuit
Qu’il pleuve ou qu’il vente
Je raconte mon histoire.

Aux âmes tristes et aux hommes qui rient
À ceux qui gardent leurs secrets enfouis
Pour tous ceux dont le sourire exprime une grande peine
Je raconte mon histoire.

Sur des pages blanches noircies au stylo
Sur un tableau noir au milieu de la classe
Sur un ordinateur avec l’option « Word »
Je raconte mon histoire.

Sous la forme d’une livre ou d’un film
D’une poésie ou d’une pièce de théâtre
Comme une comédie ou une tragédie
Je raconte mon histoire.

Pour expier mes regrets
Pour dédramatiser la vie
Pour redonner de l’espoir
Je raconte mon histoire.

Pour aujourd’hui et pour demain
Pour le futur et la postérité
Pour que jamais on ne parle de moi comme un souvenir
Je raconte mon histoire.

À travers des mots silencieux
Par le biais de silences assourdissants
Ou d’un cri à causer une extinction de voix
Je raconte mon histoire.

Pour faire jouer les rimes et les mots
Pour taire les soupirs et les maux
Pour plaire aux habitants de Meaux
Je raconte mon histoire.

Dans l'obscurité, la nuit
Submergée par vos peurs
J'effacerai vos frayeurs
En racontant une histoire
Une vie

Tisha Ivana, élève en L1 de Lettres

mercredi 25 septembre 2013

La Douleur, de M. Duras : le doute du lecteur

Je lis la La Douleur de Marguerite Duras, pour un cours de Master (Atelier de création Littéraire avec Olivia Rosenthal). Je m'arrête au tout début de ma lecture, le récit est intriguant : est-ce totalement fictionnel ou un journal autobiographique écrit durant la guerre ? Il faudrait connaître M. Duras pour répondre à cette question, sa biographie, son œuvre. Je n'ai lu que Le Ravissement de Lol V. Stein où l'auteure s'insère avec aisance dans la peau du narrateur – dont on ne connaît les détails qu'après une lecture avancée – et y mêle point de vue externe et interne sans distinction, avec légèreté. J'avais alors l'impression de suivre un fil mystérieux. Dans le cas de La Douleur, c'est encore différent : la présente édition (Gallimard, Folio, 2012) n'a qu'une préface, qui n'en est peut-être pas une, de M. Duras. Si elle fait partie de l'oeuvre, celle-ci est fictionnelle. Mais elle peut aussi tout à fait ne pas l'être.
La voici :

« J'ai retrouvé ce Journal dans deux cahiers des armoires bleues de Neauphle-le-Château.
Je n'ai aucun souvenir de l'avoir écrit.
Je sais que je l'ai fait, que c'est moi qui l'ai écrit, je reconnais mon écriture et le détail de ce que je raconte, je revois l'endroit, la gare d'Orsay, les trajets, mais je ne me vois pas écrivant ce Journal. Quand l'aurais-je écrit, en quelle année, à quelles heures du jour, dans quelle maison ? Je ne sais plus rien.
Ce qui est sûr, évident, c'est que ce texte-là, il ne me semble pas pensable de l'avoir écrit pendant l'attente de Robert L.
Comment ai-je pu écrire cette chose que je ne sais pas encore nommer et qui m'épouvante quand je la relis. Comment ai-je pu de même abandonner ce texte pendant des années dans cette maison de campagne régulièrement inondée en hiver.
La première fois que je m'en soucie, c'est à partir d'une demande que me fait la revue Sorcières d'un texte de jeunesse.
La douleur est une des choses les plus importantes de ma vie. Le mot « écrit » ne conviendrait pas. Je me suis trouvée devant des pages régulièrement pleines d'une petite écriture extraordinairement régulière et calme. Je me suis trouvée devant un désordre phénoménal de la pensée et du sentiment auquel je n'ai pas osé toucher et au regard de quoi la littérature m'a fait honte. »

Je crois que je me prends au jeu. Je préfère être naïve, ne pas faire de recherche pour en savoir plus. Et cela pour une raison précise : la narratrice ne sait pas elle-même, tout en sachant. Comme elle, je sais que Robert L. est mort tout en ne le sachant pas et j'attends sans savoir si j'en saurais davantage.

lundi 16 septembre 2013

Karen Blixen - La Ferme africaine

Karen Blixen, 1885 - 1962



Extraits d'une petite biographie sur Karen Blixen, édition Gallimard dans la collection Folio :

« Karen Blixen trône au panthéon de la littérature danoise, aux côté de H.C. Andersen. Dans sa préface aux Sept contes gothiques, Marcel Schneider la décrit à la fin de sa vie comme une « reine fantôme » , « mince et tranchante comme une épée, les yeux charbons, indomptable. » Elle règne en souveraine adulée sur une cour de jeunes écrivains et intellectuels danois. Elle a tout perdu, sa ferme en Afrique, son mari dont elle a divorcé, son amant mort dans un accident d'avion, sa santé (elle souffre de la syphilis). « Quand je fus atteinte, et comme il n'y avait aucun secours à chercher auprès de Dieu, dit-elle au poète Thorkild Bjornvig avec qui elle entretint une relation passionnée, je promis mon âme au diable et il s'engagea en retour à ce que tout ce que je vivrais dès lors se transformât en récit. » Si Karen Blixen a cher payé sa gloire, le diable ne s'est pas montré avare. La dame de lettres a su faire de sa vie une œuvre d'art, transmuant ses souffrances en récit pleins de sagesse. »

Extrait de La Ferme africaine (1942), traduction du danois par Alain Gnaedig en 2005 :


« Il est impossible que la proximité d'une ville n'influe pas sur l'existence que l'on mène. Peu importe que l'on aime ou non cette ville, elle attire à elle les idées et les pensées en vertu d'une loi de la gravitation intellectuelle. Le halo lumineux qui planait sur le ciel de Nairobi, la nuit, et que je distinguais des chemins de la ferme, me faisait toujours revenir à l'esprit des images et des souvenirs des grandes villes d'Europe. »