mercredi 25 septembre 2013

La Douleur, de M. Duras : le doute du lecteur

Je lis la La Douleur de Marguerite Duras, pour un cours de Master (Atelier de création Littéraire avec Olivia Rosenthal). Je m'arrête au tout début de ma lecture, le récit est intriguant : est-ce totalement fictionnel ou un journal autobiographique écrit durant la guerre ? Il faudrait connaître M. Duras pour répondre à cette question, sa biographie, son œuvre. Je n'ai lu que Le Ravissement de Lol V. Stein où l'auteure s'insère avec aisance dans la peau du narrateur – dont on ne connaît les détails qu'après une lecture avancée – et y mêle point de vue externe et interne sans distinction, avec légèreté. J'avais alors l'impression de suivre un fil mystérieux. Dans le cas de La Douleur, c'est encore différent : la présente édition (Gallimard, Folio, 2012) n'a qu'une préface, qui n'en est peut-être pas une, de M. Duras. Si elle fait partie de l'oeuvre, celle-ci est fictionnelle. Mais elle peut aussi tout à fait ne pas l'être.
La voici :

« J'ai retrouvé ce Journal dans deux cahiers des armoires bleues de Neauphle-le-Château.
Je n'ai aucun souvenir de l'avoir écrit.
Je sais que je l'ai fait, que c'est moi qui l'ai écrit, je reconnais mon écriture et le détail de ce que je raconte, je revois l'endroit, la gare d'Orsay, les trajets, mais je ne me vois pas écrivant ce Journal. Quand l'aurais-je écrit, en quelle année, à quelles heures du jour, dans quelle maison ? Je ne sais plus rien.
Ce qui est sûr, évident, c'est que ce texte-là, il ne me semble pas pensable de l'avoir écrit pendant l'attente de Robert L.
Comment ai-je pu écrire cette chose que je ne sais pas encore nommer et qui m'épouvante quand je la relis. Comment ai-je pu de même abandonner ce texte pendant des années dans cette maison de campagne régulièrement inondée en hiver.
La première fois que je m'en soucie, c'est à partir d'une demande que me fait la revue Sorcières d'un texte de jeunesse.
La douleur est une des choses les plus importantes de ma vie. Le mot « écrit » ne conviendrait pas. Je me suis trouvée devant des pages régulièrement pleines d'une petite écriture extraordinairement régulière et calme. Je me suis trouvée devant un désordre phénoménal de la pensée et du sentiment auquel je n'ai pas osé toucher et au regard de quoi la littérature m'a fait honte. »

Je crois que je me prends au jeu. Je préfère être naïve, ne pas faire de recherche pour en savoir plus. Et cela pour une raison précise : la narratrice ne sait pas elle-même, tout en sachant. Comme elle, je sais que Robert L. est mort tout en ne le sachant pas et j'attends sans savoir si j'en saurais davantage.

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