Je
lis la La Douleur de Marguerite Duras, pour un cours de Master
(Atelier de création Littéraire avec Olivia Rosenthal). Je m'arrête
au tout début de ma lecture, le récit est intriguant : est-ce
totalement fictionnel ou un journal autobiographique écrit durant la
guerre ? Il faudrait connaître M. Duras pour répondre à cette
question, sa biographie, son œuvre. Je n'ai lu que Le Ravissement
de Lol V. Stein où l'auteure s'insère avec aisance dans la peau
du narrateur – dont on ne connaît les détails qu'après une
lecture avancée – et y mêle point de vue externe et interne sans
distinction, avec légèreté. J'avais alors l'impression de suivre
un fil mystérieux. Dans le cas de La Douleur, c'est encore
différent : la présente édition (Gallimard, Folio, 2012) n'a
qu'une préface, qui n'en est peut-être pas une, de M. Duras. Si
elle fait partie de l'oeuvre, celle-ci est fictionnelle. Mais elle
peut aussi tout à fait ne pas l'être.
La
voici :
« J'ai
retrouvé ce Journal dans deux cahiers des armoires bleues de
Neauphle-le-Château.
Je n'ai
aucun souvenir de l'avoir écrit.
Je sais
que je l'ai fait, que c'est moi qui l'ai écrit, je reconnais mon
écriture et le détail de ce que je raconte, je revois l'endroit, la
gare d'Orsay, les trajets, mais je ne me vois pas écrivant ce
Journal. Quand l'aurais-je écrit, en quelle année, à quelles
heures du jour, dans quelle maison ? Je ne sais plus rien.
Ce qui est
sûr, évident, c'est que ce texte-là, il ne me semble pas pensable
de l'avoir écrit pendant l'attente de Robert L.
Comment
ai-je pu écrire cette chose que je ne sais pas encore nommer et qui
m'épouvante quand je la relis. Comment ai-je pu de même abandonner
ce texte pendant des années dans cette maison de campagne
régulièrement inondée en hiver.
La
première fois que je m'en soucie, c'est à partir d'une demande que
me fait la revue Sorcières
d'un texte de jeunesse.
La
douleur est une des choses les plus importantes de ma vie.
Le mot « écrit » ne conviendrait pas. Je me suis trouvée
devant des pages régulièrement pleines d'une petite écriture
extraordinairement régulière et calme. Je me suis
trouvée devant un désordre phénoménal de la pensée et du
sentiment auquel je n'ai pas osé toucher et au regard de quoi la
littérature m'a fait honte. »
Je crois que
je me prends au jeu. Je préfère être naïve, ne pas faire de
recherche pour en savoir plus. Et cela pour une raison précise :
la narratrice ne sait pas elle-même, tout en sachant. Comme elle, je
sais que Robert L. est mort tout en ne le sachant pas et j'attends
sans savoir si j'en saurais davantage.
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